mardi 29 octobre 2013

Silex and the City

Après Normale sup’, Jul devient professeur d’histoire chinoise à l’université avant de s’orienter vers le dessin de presse. Son premier album Il faut tuer José Bové fut un plongeon délirant dans les abysses de l’altermondialisme.

En 2009, sa série Silex and the City commence à être publiée, avant d’êt
re adaptée pour être diffusée à la télévision cette année. Le procédé de narration retenu est la transposition de notre vie moderne dans une préhistoire fantaisiste.

Dans ce quatrième album nous retrouvons la famille Dotcom, un couple de professeurs et leurs deux enfants, quarante mille ans avant J.-C., en prise avec leurs problèmes quotidiens à l’âge de pierrre.

Le ton y est subversif, et à travers les aventures et mésaventures de ces humains du paléolithique c’est notre propre société du XXIe siècle qui est passée au vitriol.

On reprochera peut-être à Jul une certaine forme d’élitisme et on pourra considérer que les dialogues sont parfois trop allusifs ou trop intellos.

Dans les années soixante The Flintstones, la série animée américaine de Hanna et Barbera, avec ses personnages tout droit sortis de la préhistoire, avait fait un carton. Elle arrivera en France sous le titre La Famille Pierrafeu. Plus tard, deux films inspirés de cette série sortiront sur les écrans (dont un avec Elizabeth Taylor), sans parler des animations au Canada et d’un jeu vidéo.

Silex and the City de Jul aux éditions Dargaud, 48 pages, 13,99 euros

jeudi 24 octobre 2013

Ne deviens jamais vieux!

L’auteur, né à Memphis en 1980, vit à New York. Le postulat de cette enquête policière est simple. Si l’inspecteur Harry, interprété par l’acteur Clint Eastwood, n’existe pas, c’est la vie du policier Bud Schatz qui a inspiré au réalisateur et scénariste Don Siegel son personnage de cinéma. Qui est donc ce vaillant défenseur de l’ordre et de la loi? Un émigré juif, devenu un policier new-yorkais aux méthodes radicales. Aujourd’hui, c’est un vieux type qui porte encore un holster pour son revolver. Quand bien même il n’a plus tous ses réflexes, il a toujours l’esprit tordu et ses manières sont encore à la limite de la légalité. Naturellement, Bud est incapable de savourer une retraite paisible, il explique jusqu’où sa vieillesse l’emmène, pour parler poliment. Un jour, un ami lui raconte que le nazi qui a pourri leur survie en camp de concentration finit ses jours dans une gentille maison de retraite. À quatre-vingt-sept ans, Bud Schatz décide de reprendre la chasse. Et il retrouve son bourreau grabataire, atteint d’Alzheimer. Ce qui fait plaisir à Bud qui le laisse vivre. Un chapitre est clos. Bud se renseigne: que sont devenus les lingots d’or qui furent cachés après la guerre par les tenants de la race des seigneurs? En jouant de son âge, un vieux pourrait récupérer ce magot placé dans un coffre...

L’histoire d’une vieillesse redevenue enchantée, qui flingue plus vite avec son humour désespéré plutôt qu’avec son 357 Magnum.

Ne deviens jamais vieux! de Daniel Friedman aux éditions Somatine, 329 pages, 20 euros.

mercredi 23 octobre 2013

Le tueur se meurt

Résidant à Phoenix, en Arizona, voilà un des écrivains que l’on peut inscrire dans les inclassables du roman noir: James Sallis. Se définissant lui-même comme passionné par la musique du Sud américain, la science-fiction et la littérature française. Il a traduit l’œuvre de Raymond Queneau aux États- Unis et a fait paraître une biographie de Chester Himes, qui, le sortant de l’univers policier, privilégiait «le groove», cette mouvance noire des racines musicales et littéraires.

L’ambiance de son dernier roman, c’est le tomber de rideau d’un tueur à gages. Un professionnel qui se donne à sa dernière mission, celle de retrouver l’individu qui a tiré sur sa cible. Une tentative avortée qui a détruit le travail de toute une vie. Deux policiers sont chargés d’enquêter, ce qui complique la fin de parcours de ce scrupuleux tueur professionnel mourant.

Dans une atmosphère étouffée par l’absence de motivation de la police, la maladie qui gagne tous les jours du terrain, un personnage apparaît en pointillé. C’est Jimmie, un gamin de douze ans abandonné par ses parents dans une maison hypothéquée. Seul, il survit en utilisant les diverses combines du commerce sur Internet. Des recherches sur la toile, on passe au mélange des fils sur le Web. Et l’action part comme une pelote. Ce roman, d’une justesse lancinante, joue de la réalité de tous les jours en ne masquant pas le fait que cela finit toujours de la même façon en ce bas monde.

Le tueur se meurt de James Sallis aux éditions Rivages/Thriller, 272 pages, 20 euros

lundi 21 octobre 2013

Un avion sans elle

Le Normand Michel Bussi, professeur de géographie à l’université de Rouen, a la particularité d’utiliser le relief d’une région pour planter ses intrigues. Ce qui a bien réussi à son précédent opus: Nymphéas noirs a été le roman le plus primé de l’année 2011. Voici la version en format de poche d’un autre vrai roman policier dont le titre est homonyme d’une chanson de Charlélie Couture.

Le 23 décembre 1980 le vol Istanbul-Paris de Turkish Airlines s’écrase sur le mont Terrible, à la frontière franco-suisse. Cent soixante-huit morts, la rescapée, indemne, est un nourrisson de trois mois. Première énigme qui se pose: s’agit-il de Lyse-Rose Carville ou d’Émilie Vitrac. Est-elle issue d’une famille très riche ou du peuple si commun? À cette époque, pas d’examen ADN. Les riches parents engagent un détective privé, Crédule Grand-Duc, qui recherchera l’identité de l’enfant durant dix-huit ans. En 1998, la veille du jour fatidique de la majorité de la jeune fille, la vérité lui saute aux yeux, il veut la clamer. Malheur à lui, il est aussitôt assassiné. Son frère Marc va reprendre un cahier usé, des notes, ses souvenirs afin de découvrir ce mystère assassin.

Le lecteur va suivre un enquêteur de seconde main, qui repasse derrière un autre, et une jeune fille, surnommée Libellule par les médias, qui veut dénouer les fils de sa propre histoire. Des tribulations qui nous emmènent de la Butte-aux-Cailles dans le XIIIe, à Paris, jusqu’au Val-de-Marne, avant d’arriver à Dieppe, pour atterrir dans le Jura. Un roman  à rebondissements, en cours  d’adaptation au cinéma.

Un avion sans elle de Michel Bussi aux éditions Pocket 570 pages, 7,60 euros.

Happy!

Usé par les missions, tombé dans la boisson et dans les bras de sa jeune équipière avant d’être plaqué par l’épouse déçue, le policier Nick Sax rendra sa plaque quand il sera accusé  d’être un ripou. Comme il lui faut gagner de l’argent pour assouvir ses mauvais penchants quotidiens, il s’est reconverti en tueur à gages grassement payé. La fatalité le piégera trois jours avant Noël dans un contrat qui s’embrouille.

Ce mauvais caractère se retrouve à l’hôpital flanqué d’un infarctus, la police et la mafia sur le dos. Passé de pourri à cauchemardesque, son quotidien est aggravé par un détail peu banal. Depuis trois jours, un petit  «cheval» bleu, volant et perdant des plumes, lui est apparu. Cette vision le harcèle afin de lui donner les couleurs du héros. Sax a une mission, il doit bouter hors de la ville un tueur déguisé en Père Noël, qui fait disparaître les petits enfants durant les douces nuits de l’avent.

Le récit d’un vœu de rédemption en soixante-douze heures avant les douze coups de minuit, celui d’un homme qui refuse de se relever. Le ressort infaillible de la fibre paternelle viendra de loin. Le scénario, les dialogues de  l’Écossais Grant Morrison sont impeccables, ce qui le change des super-héros tels que Batman, Superman, New X-Men et les autres, qu’il a contribué à remettre dans l’orbite du XXIe siècle.
Le dessinateur de comic book Darick Robertson est tellement bon qu’il travaille toujours sur Transmetropolitan.

Happy! de Grant Morrison et Darick Robertson aux éditions Delcourt album, 96 pages, 16,50 euros