mardi 29 octobre 2013

Silex and the City

Après Normale sup’, Jul devient professeur d’histoire chinoise à l’université avant de s’orienter vers le dessin de presse. Son premier album Il faut tuer José Bové fut un plongeon délirant dans les abysses de l’altermondialisme.

En 2009, sa série Silex and the City commence à être publiée, avant d’êt
re adaptée pour être diffusée à la télévision cette année. Le procédé de narration retenu est la transposition de notre vie moderne dans une préhistoire fantaisiste.

Dans ce quatrième album nous retrouvons la famille Dotcom, un couple de professeurs et leurs deux enfants, quarante mille ans avant J.-C., en prise avec leurs problèmes quotidiens à l’âge de pierrre.

Le ton y est subversif, et à travers les aventures et mésaventures de ces humains du paléolithique c’est notre propre société du XXIe siècle qui est passée au vitriol.

On reprochera peut-être à Jul une certaine forme d’élitisme et on pourra considérer que les dialogues sont parfois trop allusifs ou trop intellos.

Dans les années soixante The Flintstones, la série animée américaine de Hanna et Barbera, avec ses personnages tout droit sortis de la préhistoire, avait fait un carton. Elle arrivera en France sous le titre La Famille Pierrafeu. Plus tard, deux films inspirés de cette série sortiront sur les écrans (dont un avec Elizabeth Taylor), sans parler des animations au Canada et d’un jeu vidéo.

Silex and the City de Jul aux éditions Dargaud, 48 pages, 13,99 euros

jeudi 24 octobre 2013

Ne deviens jamais vieux!

L’auteur, né à Memphis en 1980, vit à New York. Le postulat de cette enquête policière est simple. Si l’inspecteur Harry, interprété par l’acteur Clint Eastwood, n’existe pas, c’est la vie du policier Bud Schatz qui a inspiré au réalisateur et scénariste Don Siegel son personnage de cinéma. Qui est donc ce vaillant défenseur de l’ordre et de la loi? Un émigré juif, devenu un policier new-yorkais aux méthodes radicales. Aujourd’hui, c’est un vieux type qui porte encore un holster pour son revolver. Quand bien même il n’a plus tous ses réflexes, il a toujours l’esprit tordu et ses manières sont encore à la limite de la légalité. Naturellement, Bud est incapable de savourer une retraite paisible, il explique jusqu’où sa vieillesse l’emmène, pour parler poliment. Un jour, un ami lui raconte que le nazi qui a pourri leur survie en camp de concentration finit ses jours dans une gentille maison de retraite. À quatre-vingt-sept ans, Bud Schatz décide de reprendre la chasse. Et il retrouve son bourreau grabataire, atteint d’Alzheimer. Ce qui fait plaisir à Bud qui le laisse vivre. Un chapitre est clos. Bud se renseigne: que sont devenus les lingots d’or qui furent cachés après la guerre par les tenants de la race des seigneurs? En jouant de son âge, un vieux pourrait récupérer ce magot placé dans un coffre...

L’histoire d’une vieillesse redevenue enchantée, qui flingue plus vite avec son humour désespéré plutôt qu’avec son 357 Magnum.

Ne deviens jamais vieux! de Daniel Friedman aux éditions Somatine, 329 pages, 20 euros.

mercredi 23 octobre 2013

Le tueur se meurt

Résidant à Phoenix, en Arizona, voilà un des écrivains que l’on peut inscrire dans les inclassables du roman noir: James Sallis. Se définissant lui-même comme passionné par la musique du Sud américain, la science-fiction et la littérature française. Il a traduit l’œuvre de Raymond Queneau aux États- Unis et a fait paraître une biographie de Chester Himes, qui, le sortant de l’univers policier, privilégiait «le groove», cette mouvance noire des racines musicales et littéraires.

L’ambiance de son dernier roman, c’est le tomber de rideau d’un tueur à gages. Un professionnel qui se donne à sa dernière mission, celle de retrouver l’individu qui a tiré sur sa cible. Une tentative avortée qui a détruit le travail de toute une vie. Deux policiers sont chargés d’enquêter, ce qui complique la fin de parcours de ce scrupuleux tueur professionnel mourant.

Dans une atmosphère étouffée par l’absence de motivation de la police, la maladie qui gagne tous les jours du terrain, un personnage apparaît en pointillé. C’est Jimmie, un gamin de douze ans abandonné par ses parents dans une maison hypothéquée. Seul, il survit en utilisant les diverses combines du commerce sur Internet. Des recherches sur la toile, on passe au mélange des fils sur le Web. Et l’action part comme une pelote. Ce roman, d’une justesse lancinante, joue de la réalité de tous les jours en ne masquant pas le fait que cela finit toujours de la même façon en ce bas monde.

Le tueur se meurt de James Sallis aux éditions Rivages/Thriller, 272 pages, 20 euros

lundi 21 octobre 2013

Un avion sans elle

Le Normand Michel Bussi, professeur de géographie à l’université de Rouen, a la particularité d’utiliser le relief d’une région pour planter ses intrigues. Ce qui a bien réussi à son précédent opus: Nymphéas noirs a été le roman le plus primé de l’année 2011. Voici la version en format de poche d’un autre vrai roman policier dont le titre est homonyme d’une chanson de Charlélie Couture.

Le 23 décembre 1980 le vol Istanbul-Paris de Turkish Airlines s’écrase sur le mont Terrible, à la frontière franco-suisse. Cent soixante-huit morts, la rescapée, indemne, est un nourrisson de trois mois. Première énigme qui se pose: s’agit-il de Lyse-Rose Carville ou d’Émilie Vitrac. Est-elle issue d’une famille très riche ou du peuple si commun? À cette époque, pas d’examen ADN. Les riches parents engagent un détective privé, Crédule Grand-Duc, qui recherchera l’identité de l’enfant durant dix-huit ans. En 1998, la veille du jour fatidique de la majorité de la jeune fille, la vérité lui saute aux yeux, il veut la clamer. Malheur à lui, il est aussitôt assassiné. Son frère Marc va reprendre un cahier usé, des notes, ses souvenirs afin de découvrir ce mystère assassin.

Le lecteur va suivre un enquêteur de seconde main, qui repasse derrière un autre, et une jeune fille, surnommée Libellule par les médias, qui veut dénouer les fils de sa propre histoire. Des tribulations qui nous emmènent de la Butte-aux-Cailles dans le XIIIe, à Paris, jusqu’au Val-de-Marne, avant d’arriver à Dieppe, pour atterrir dans le Jura. Un roman  à rebondissements, en cours  d’adaptation au cinéma.

Un avion sans elle de Michel Bussi aux éditions Pocket 570 pages, 7,60 euros.

Happy!

Usé par les missions, tombé dans la boisson et dans les bras de sa jeune équipière avant d’être plaqué par l’épouse déçue, le policier Nick Sax rendra sa plaque quand il sera accusé  d’être un ripou. Comme il lui faut gagner de l’argent pour assouvir ses mauvais penchants quotidiens, il s’est reconverti en tueur à gages grassement payé. La fatalité le piégera trois jours avant Noël dans un contrat qui s’embrouille.

Ce mauvais caractère se retrouve à l’hôpital flanqué d’un infarctus, la police et la mafia sur le dos. Passé de pourri à cauchemardesque, son quotidien est aggravé par un détail peu banal. Depuis trois jours, un petit  «cheval» bleu, volant et perdant des plumes, lui est apparu. Cette vision le harcèle afin de lui donner les couleurs du héros. Sax a une mission, il doit bouter hors de la ville un tueur déguisé en Père Noël, qui fait disparaître les petits enfants durant les douces nuits de l’avent.

Le récit d’un vœu de rédemption en soixante-douze heures avant les douze coups de minuit, celui d’un homme qui refuse de se relever. Le ressort infaillible de la fibre paternelle viendra de loin. Le scénario, les dialogues de  l’Écossais Grant Morrison sont impeccables, ce qui le change des super-héros tels que Batman, Superman, New X-Men et les autres, qu’il a contribué à remettre dans l’orbite du XXIe siècle.
Le dessinateur de comic book Darick Robertson est tellement bon qu’il travaille toujours sur Transmetropolitan.

Happy! de Grant Morrison et Darick Robertson aux éditions Delcourt album, 96 pages, 16,50 euros

vendredi 23 août 2013

Sailor Twain ou la sirène dans l’Hudson

Né aux États-Unis, Mark Siegel a grandi en France où il a dessiné ses premières planches à l’âge de cinq ans, une sorte de Mozart des crayons de couleur en somme. Rentré au pays, il travaille comme graphiste. En 2005, responsable aux éditions First Second, il devient l’éditeur américain de Joann Sfar, Lewis Trondheim et Emmanuel Guibert. Mark Siegel vit au nord de New York, le long de l’Hudson River d’où il a tiré cette fable.

Un matin de mai 1887 Elijah Twain, capitaine d’un gros vapeur à aubes, sur l’Hudson, transcrit dans son journal une vision. Il a vu disparaître un gros cerf pris au piège par le courant du fleuve. De son côté, le propriétaire du navire, Dieudonné Lafayette, qui a assisté à la scène, n’a pas vu la même chose. Mais ce jeune homme n’est plus tout à fait lui-même depuis l’étrange disparition de son frère aîné, Jacques-Henri.

Pour le capitaine Twain, qui est un gars sérieux, un bon chrétien, aimé de son équipage, le plus important c’est que les choses restent dans le bon ordre afin que les affaires continuent de tourner. Hélas, un soir son regard est pris au piège à la vue d’une femme dont le torse est nu et qui essaye de monter sur le pont de son bateau. Le capitaine s’empresse et la hisse. La demoiselle est blessée, certes, mais le bas de son corps est une queue de poisson. Ce pauvre capitaine s’est bien fait entortiller, il a maintenant une sirène à bord.

Sailor Twain ou la sirène dans l’Hudson de Mark Siegel aux éditions Gallimard bandes dessinées, 400 pages, 25 euros

lundi 8 juillet 2013

Balancé dans les cordes

Second roman de Jérémie Guez, jeune auteur ayant déjà commis Paris la nuit. Le lecteur y retrouve un antihéros: un jeune prénommé Tony, issu de la classe sociale la plus défavorisée, ayant la particularité d’être le métis d’un gitan de passage et d’une mère qui n’a pas eu une bonne idée. Naturellement grand et bien bâti, le jeune homme, sportif, devient boxeur à Aubervilliers, dans le 93, et attend son premier combat. Il est plongé dans l’univers des cités avec leurs trafics engendrés par la misère, l’abandon, l’absence d’emploi que connaissent des populations larguées dans le système économique d’une société libérale.

De plus, Tony doit s’accommoder de sa mère célibataire, qui l’a emmené vivre chez son oncle garagiste quand elle a perdu son travail. Cette femme occupe son temps libre à sortir avec de sales types. Le dernier en date, un dealer, l’a tabassée si durement qu’il l’a expédiée à l’hôpital. En bon fils, Tony venge sa mère. Le voilà qui s’embarque dans une méchante galère.

Afin de rendre son récit plus crédible, l’auteur s’est astreint à une rédaction d’un style narratif rudimentaire. Qui nous ramène au roman noir des années soixante-dix et quatre-vingts, marqué par des auteurs tels que Robin Cook ou Tonino Benaquista, pour ne citer que deux noms emblématiques d’une période si faste qu’elle en comprend beaucoup de talentueux.

Balancé dans les cordes de Jérémie Guez, La Tengo Éditions, 190 pages, 17 euros

mercredi 26 juin 2013

On dirait le Sud tome 2 - la fin des coccinelles

Le Sud, titre d’une chanson de Nino Ferrer sortie en 1975. La phrase d’attaque du refrain a donné son nom à ce diptyque en bande dessinée.

L’été le plus chaud du XXe siècle fut l’été 1976. Dans une petite ville du centre, comme ailleurs en France, des restrictions d’eau sont appliquées. La surveillance est effectuée par les hélicoptères de la gendarmerie. Dans la cité, certains esprits s’inquiètent des bruits de fermeture de l’industrie locale. Pour taire les rumeurs, les patrons de l’usine ont échafaudé un plan compromettant Max Plume, un syndicaliste respecté jusque-là. La chaleur devenant de plus en plus accablante, la tension ne cesse de monter en ville. Malgré l’arrestation du principal suspect, les disparitions d’enfants se poursuivent dans le sud du département. La tension devient palpable. Lorsque la nouvelle des plans de licenciements devient effective, l’orage social qui couvait se met à gronder: la conclusion d’un récit en deux parties, entamé en 2010 lors de la parution du premier tome Une piscine pour l’été.

Ancien collaborateur à Rock & Folk, Cédric Rassat a scénarisé des artistes italiens, espagnols, scandinaves, avant d’entamer en septembre 2006 la production de cette série. Raphaël Gauthey a, lui, débuté dans l’univers des jeux vidéo avant de se consacrer à l’illustration. Explication de ce style graphique angulaire très coloré, afin de rendre sa lumière à l’été 1976.

On dirait le Sud tome 2 - la fin des coccinelles de Cédric Rassat et Raphaël Gauthey album Delcourt, 64 pages, 14,95 euros

dimanche 23 juin 2013

Les chasseurs de fantômes - Cinder & Ashe

Voilà une bande dessinée où les personnages peuvent fumer n’importe où, n’importe quand. Publié pour la première fois dans son intégralité en France, cet album remonte à 1988. Sur le plan visuel, des couleurs très crues, posées à plat, le vert appelle la salade, les tracés au crayon noir, appuyés, hachurent sévèrement les cases.

Après un des conflits des États- Unis contre la menace communiste, Jacob Ashe, un vétéran du Vietnam, est rentré au pays avec une gamine métisse, nommée Cinder, qu’il a sortie de la rue. Adoptée par les cousins de Ashe, Cinder finira de grandir à la Nouvelle-Orléans. Adulte, en compagnie de Ashe, son mentor, Cinder devient détective privé.

Témoins des drames du passé, ils deviennent des chasseurs de fantômes, en butte aux règlements de comptes entre personnages importants et citoyens sacrifiés au nom du bien d’autrui.

À l’école panaméricaine des arts de Buenos Aires, José Luis Garcia Lòpez s’est affûté au dessin sous la houlette de professeurs tels que Hugo Pratt et Alberto Breccia, il a notamment collaboré avec DC Comics pour Wonder Woman contre Superman. De son côté, Gerry Conway écrit chez Marvel depuis ses 18 ans. Il a créé une somme des personnages de l’univers de l’Amazing Spider-Man, peut-être pour se rattraper d’être l’homme qui a tué Gwen Stacy.

Les chasseurs de fantômes - Cinder & Ashe de Gerry Conway et José Luis Garcia-Lòpez aux éditions Delcourt, 128 pages, 14,95 euros

vendredi 21 juin 2013

Fray

Le personnage de Buffy, la tueuse de vampires, est monté à la tête de Joss Whedon parce que les vraies filles, celles qui le faisaient rêver, n’existaient pas en bande dessinée. Exception faite de Kitty Pride quand elle intégra les X-Men. Scénariste, concepteur-réalisateur de bandes dessinées, de séries télévi-sées et de films, Joss Whedon a poursuivi sa quête d’une héroïne qui ne sacrifierait pas aux canons de beautés siliconées aux fessiers cambrés.

Sa rencontre avec Moline, son dessinateur-accoucheur, sera décisive pour ce créateur d’univers. En 2003, Whedon lance le cycle des aventures de Melaka Fray. Habitante d’un quartier pourri, dans un futur Manhattan qui a été irradié, une jeune fille devient l’élue, elle a dix- neuf ans. Cette annonce est faite à Melaka Fray par un gros type chauve, avant qu’il ne se transforme, de lui-même, en brasier. Ayant déjà pas mal de misères à gérer au quotidien,  la jeune fille néglige cette révélation. Mais un énergumène qui a l’apparence d’un bouc, mais en plus grand et en plus violent, l’attend chez elle pour la former. Il est son mentor, elle est la tueuse. Il doit l’entraîner afin qu’elle mène l’humanité dans la guerre contre les vampires. Voilà qui va bien perturber son quotidien de voleuse dans le gang de Gunther l’amphibien. Sergent dans la police, Erin, sa sœur aînée, s’inquiète des fréquentations douteuses de la jeune Melaka. En pure perte, car le destin remplit toujours son office.

Fray de Joss Whedon et Karl Moline aux éditions Panini Comics, 150 pages, 15,95 euros

mardi 11 juin 2013

Sayonara gangsters

Étudiant, connu pour ses idées radicales, Genichiro Takaha-shi, inscrit à l’université de Yokohama, a été arrêté et a passé un an en prison. Cette expérience le rendra incapable de lire et d’écrire pendant plusieurs années.

Le présent ouvrage, paru aux États-Unis en 2004, passe pour le plus grand roman de la littérature  post-moderne japonaise. Pourtant, pendant longtemps ce livre n’a pas été traduit en langue japonaise.

Qu’est-ce que c’est un livre non interdit, invisible dans la langue d’origine de son auteur? C’est une histoire qui commence tranquillement. Un professeur de poésie, avec une vie bien tranquille, voit son existence basculer quand il rencontre un groupe de terroristes. Ce sont des gangsters. Au Japon, une personne qui ne suit pas à la lettre les règles imposées par la société devient un marginal. Ce lettré entame alors un véritable périple homérique. À sa suite, le lecteur fait de mémorables rencontres. La muse du poète, qui, au contraire de celle de Dante, est une figure bien en chair et très remuante. Virgile est sorti de sa tombe et de son latin pour hanter un réfrigérateur flambant neuf. Le roi Henri IV fréquente un chat de bibliothèque qui aromatise son lait à la vodka. C’est de la science-fiction, du roman noir, d’une originalité folle, émouvant jusqu’à donner parfois une petite envie de pleurer.

Sayonara gangsters de Genichiro Takahashi, Books éditions, 220 pages, 18 euros

vendredi 7 juin 2013

Le puits de Moïse est achevé

Ce vétéran des auteurs de romans policiers français est né en 1923. Il avait conservé de sa Pologne natale le souvenir de l’odeur du gâteau aux myrtilles, et des chiens lors de son entrée à Auschwitz, en juillet 1944. Il fut ouvrier agricole, apprenti ébéniste, bonnetier. En 1979, sa vie change lorsque son roman Le Salon du prêt- à-saigner reçoit le Grand prix de la littérature policière. Ce n’est qu’en 2002 qu’il publie C’est en hiver que les jours rallongent, texte dans lequel il relate sa déportation et sa captivité. Décédé le 25 novembre 2012, ce livre est son dernier roman, un récit bâti sur la légende des Templiers et sur les persécutions religieuses reprises à son compte par le petit- fils de saint Louis. Au XIVe siècle, le roi Philippe IV, dit le Bel, n’a plus un sou. Afin de combler son gouffre financier, il spolie les Lombards et les juifs. Les râleurs sont massacrés. L’ordre militaire religieux du Temple émet des doutes sur la foi de ce souverain. Le Temple se plaint à son chef, le pape, qui s’en lave les mains. Le roi a force de loi. Il fait emprisonner les Templiers pour les voler de leurs biens. Depuis, la question du trésor des Templiers se trouve posée. Où est-il? Objet de tous les fantasmes, de toutes les convoitises, cet argent reste introuvable.

Le puits de Moïse est achevé de Joseph Bialot aux éditions Rivages/Noir, 348 pages, 9,15 euros

lundi 27 mai 2013

Heather Mallender a disparu

L’Anglais Robert Goddard écrit des romans à énigmes mettant en avant un personnage central qui découvre, à partir de documents, lettres, journaux intimes ou  confidences, une conspiration, un secret. Un charme désuet émane de ce récit bien écrit, au rythme lent.

Heather Mallender est venue à Rhodes pour se remettre d’un drame. Elle séjourne dans une villa dont Harry Barnett est le gardien. Un quinquagénaire porté sur la boisson, qui entretient la maison grâce à ses relations. Évidemment, romantique, cet homme mûr s’amourache de la jeune fille qui en a vu des vertes et des pas mûres. Il la prend en charge. Mais au cours d’une balade en montagne la jeune fille va disparaître au nez et à la barbe de Harry. Résultat, le voilà accusé de meurtre. Disculpé, Harry Barnett a donc une bonne raison pour mener ses propres recherches. Les vingt-quatre dernières photographies prises par la disparue vont l’aider dans une quête qui s’avère laborieuse. Cliché après cliché, il va reconstituer les dernières semaines de la vie de la jeune fille, entre la Grèce et l’Angleterre.

Un récit en demi-teinte, qui se situe entre l’enquête traditionnelle et le thriller psychologique. Il n’y a pas de meurtre dans cette histoire, mais une absence inexpliquée. Et un homme qui se cherche à travers l’enquête qu’il poursuit.

Heather Mallender a disparu de Robert Goddard aux éditions du Livre de Poche, 720 pages, 8,60 euros

vendredi 26 avril 2013

Hôpital psychiatrique

Les confessions de deux petits vieux ouvrent le récit de cette fiction au mois de mai 2010. Louis et Louise sont tellement âgés qu’ils peuvent tout nous raconter. Les voilà qui décrivent l’hôpital psychiatrique, ils s’y sont rencontrés pendant la Seconde Guerre mondiale. Les malades mentaux et les soldats allemands se partageaient les bâtiments de l’asile. Tandis que les collaborateurs et les résistants se livraient à leurs activités dans les combles et les sous-sols. Le quotidien était fait de supplices qu’infligeaient les gardiens et d’expérimentations médicales sur les patients. Louis et Louise mettront au point un plan pour s’échapper de cette maison de fous.

Le psychologue clinicien Raymond Castells s’est d’abord livré à l’exercice de sa vocation de médecin, avant d’explorer un autre aspect de son métier relevant de l’histoire du XXe siècle. Dans ce livre il reconstitue la vie des internés et celle de leurs docteurs après la fin de la drôle de guerre. L’univers de l’hôpital psychiatrique pendant l’Occupation. Quarante mille internés mourront de faim pendant cette période, dans un endroit où des soldats allemands ont cohabité avec des internés, des collaborateurs et des résistants. Les personnages s’incarnent au fil des pages. Ces psychopathes, des internés qui peuvent être tellement gentils. La question est posée dans ce récit: qui vit le mieux l’enfermement, le malade ou le professionnel de santé?

Hôpital psychiatrique de Raymond Castells aux éditions Rivages/Noir, 595 pages, 10,65 euros

jeudi 25 avril 2013

Le casse

Voici le troisième album des aventures de Parker mis en images par Darwyn Cooke, Richard Stark étant le pseudonyme que le génial et regretté Donald Westlake réservait à la relation des aventures de l’antisocial Richard Stark. Cet homme n’est qu’une machine dotée d’un rigoureux code professionnel appliqué au crime. Son exceptionnelle intelligence ne lui sert qu’à exploiter les faiblesses des règles mises au point par ses contemporains. Quels que soient les individus, mâles ou femelles, quel que soit le système qui les protège, ce que Stark veut, il le possédera. Le sexe est un outil de travail qui apporte des solutions aux problèmes que peut poser l’autre sexe.

Dépourvu d’amis, Richard Stark ne fréquente que des gens loyaux à son esprit supérieur. Pour réaliser son dernier mauvais coup, il doit considérer l’idée de s’associer avec douze salopards. Cela fait beaucoup. Mais il n’y a jamais trop d’individus à manipuler quand on a toute la nuit pour dévaliser une ville. En revanche, une affaire avec un amateur qui veut sa revanche peut s’avérer pénible. La résolution de ce problème arrivera toute seule. Parker épargne les êtres lorsqu’il n’a aucun intérêt à leur nuire. La compassion, l’empathie, ce n’est pas son style. Comme il côtoie des personnages rocambolesques, sa froide logique en devient rassurante. Nuire à ceux qu’il désigne comme ses ennemis emporte toujours la décision de Richard Parker.

Le casse de Richard Stark et Darwyn Cooke aux éditions Dargaud, 138 pages, 19,99 euros

lundi 15 avril 2013

Orange Crush

Romancier né en 1961, Tim Dorsey est publié depuis 1999 aux États-Unis. Âgé d’un an à son arrivée en Floride, il devient journaliste attaché à la cour de justice, puis au service politique du Tallahassee tribune. De son expérience professionnelle, il tire sa substance littéraire. Les titres de ses livres reprennent le style «floridien» lancé par un autre écrivain prolifique du Sud: John MacDonald.

À l’instar de son illustre aîné, ses récits sont des fictions qui émettent surtout des critiques à l’encontre de la société contemporaine américaine. L’argent n’est employé qu’à corrompre les politiciens, pour ruiner tout espoir en la démocratie. Le racisme est un mal endémique, inhérent à la société américaine après la guerre de Sécession. La publicité, omniprésente, vend tout parce que l’image prime sur tout.

Le présent opus, paru en 2001 aux États-Unis, a la particularité de ne pas mettre en scène son habituel personnage, Serge Storms, névrosé, obnubilé par l’ordre moral et la justice. Dans ce récit surréaliste, un fils à papa doit reprendre le flambeau familial pour être élu gouverneur de la Floride. Un siège rendu vacant par le décès de l’occupant lors d’un accident d’avion. La prise de drogue, d’alcool et les prostituées ayant affaibli les sens du pilote pendant le vol. Mais ce jeune bourgeois se montre négligent et se retrouve réserviste dans les Balkans. La première surprise passée, il en revient très changé. La rédemption et l’argent ne font jamais bon ménage.

Orange Crush de Tim Dorsey aux éditions Rivages/Noir, 441 pages, 9,65 euros.

jeudi 4 avril 2013

Plogoff

Bretonne native de Quimper, Delphine Lelay s’est tournée vers la bande dessinée en rencontrant Alexis Horellou. Naturellement ils ont évoqué leurs souvenirs, d’où ce roman dessiné relatant des événements de notre histoire sociale.

En 1975, un accord de principe est conclu entre les conseils généraux de Bretagne et le Conseil économique et social. Une centrale nucléaire sera installée en bordure de la baie d’Audierne. Au mois de septembre 1978, la population manifeste son opposition à ce projet venu de Paris. Le 29 novembre 1978, le conseil général du Finistère vote, par 28 voix contre 172, l’implantation d’une centrale nucléaire sur la commune de Plogoff, dans l’ouest de la Bretagne. Un site proche de la pointe du Raz. Une enquête d’utilité publique est décrétée. Le 30 janvier 1980, les dossiers administratifs réceptionnés le matin à la mairie de Plogoff sont brûlés l’après-midi par les habitants. Les autorités décident d’assurer leur mission en transformant des camionnettes en mairies annexes. Des manifestations violentes vont avoir lieu entre les habitants et ceux soutenant le projet. Les forces militaires sont appelées en renfort afin de maintenir la paix publique. Plogoff fait la une de l’actualité du journal télévisé. Lors de la clôture de l’enquête, le 16 mars 1980, 50.000 personnes manifestent, et ce sont plus de 100.000 manifestants, qui viennent fêter la fin de cette procédure le 24 mai 1980. Le 10 mai 1981, le gouvernement prononce l’abandon du projet.

Plogoff de Lelay - Horellou, aux éditions Delcourt, 192 pages, 14,95 euros

mardi 2 avril 2013

Les profiteurs

En Suède, Leif G.W. Persson est un criminologiste renommé qui a travaillé sur les crimes les plus notables de l’histoire de son pays, dont l’assassinat du Premier ministre Olaf Palme. Pour le public nordique Persson incarne un mix entre Honoré de Balzac et James Ellroy, le climat polaire et l’aquavit autorisant tous les mélanges.

Paru en 1979, ce livre sort pour la première fois en français. Chronologiquement, c’est le second volet des enquêtes de Lars Martin Johansson et ses équipiers.

Comme à son habitude, l’écrivain dissèque une société qui se fissure, tout en explorant les méthodes d’une police toujours à la limite. Afin d’étayer son point de vue, il s’est entretenu avec des enquêteurs sur des affaires criminelles des années soixante-dix. Au sein de la société suédoise, les personnes responsables qui devraient être incriminées ne sont jamais évoquées. Lors des procès les criminels passent en jugement, mais l’enchaînement des circonstances leur ayant permis de commettre leurs actes n’est jamais porté à la connaissance du public. Les accointances, les profits ne sont jamais pris à partie dans ce simulacre de justice. En Suède, la manipulation de l’information est là pour masquer des tractations douteuses qui servent les intérêts des officines du pouvoir. C’est ainsi que la forme est toujours jugée, mais jamais le fond.

Les profiteurs de Leif G.W. Persson aux éditions Rivages/Thriller 328 pages, 22 euros

Mad Dogs

James Grady fut un journaliste de l’ère qui suivit le scandale du Watergate. Marié à une  femme détective privé, devenue adjointe au Sénat, l’auteur avait 24 ans lorsqu’il a signé le scénario du film Les six jours du Condor.

Le présent ouvrage explore le désenchantement d’une Amérique qui fut triomphante.

Cinq anciens agents de la CIA vivent dans un centre top secret géré par le gouvernement. Quatre hommes et une femme qui ont fait partie des meilleurs guerriers de l’Amérique. À ce titre, leur boulot les a rendus totalement cinglés, donc ces soldats de l’ombre ont gagné le droit d’être gardés au secret dans une base enfouie de l’État du Maine.

Ils sont gavés de médicaments mais ils suivent une thérapie moderne quotidienne. Problème: ils retrouvent leur psychiatre assassiné après leur dernière séance de thérapie de groupe. Rendus enragés, les internés font le mur, bien décidés à infiltrer le monde étrange des gens normaux vivant aux États-Unis. Leur projet inclut leur déplacement au centre décisionnel de leur administration, soit Washington DC, afin de demander des comptes. En effet, comment dans un centre ultramoderne d’une zone sécurisée un médecin de l’État peut-il être supprimé?

Or ce n’est pas l’un des cinq déséquilibrés entraînés à tuer qui a commis ce meurtre, ils recherchent donc l’assassin pour s’éviter la dernière piqûre. Pour ces héros fatigués, le défi va être de se fondre dans la masse. Pourront-ils faire confiance à leur sens de la perception?

Mad Dogs de James Grady, Rivages/Noir, 441 pages, 9,65 euros.

mercredi 27 mars 2013

Sherlock Holmes - Crime Alleys - Le premier problème

Au mois de mai 1876 à Londres, le jeune Sherlock Holmes se considère comme un esthète et ne s’intéresse qu’aux personnes dotées de qualités surhumaines. Il n’est l’ami que de deux personnes: un fin limier du Yard et son colocataire, un virtuose du violon devant intégrer le Philharmonique de Vienne.

Afin de lutter contre l’ennui, l’irritant jeune homme envoie des lettres anonymes à la police avec des indices pour des enquêtes sur lesquelles Scotland Yard reste en panne. En rentrant un soir de la bibliothèque, sa routine bascule. Il ne peut empêcher l’enlèvement de son colocataire. La police lui apprend que son ami est victime d’un réseau du crime. Pour tenter de résoudre le problème de ces kidnappings, le conseiller du Premier ministre lui propose de collaborer.

Cette histoire, que propose Sylvain Cordurie, se situe bien avant que notre détective et son adjoint, le docteur Watson, ne s’installent au 221B Baker Street. On y découvre un jeune homme prétentieux, mais doté d’un sens inégalable de l’observation. De son côté, James Moriarty n’est qu’un junior désobéissant, sous les ordres d’un terrible paternel. L’événement fondateur de la haine entre ces deux hommes serait lié à la disparition de ce jeune violoniste. Alessandro Nespolino se charge de la mise en image avec talent, la reconstitution du Londres de l’ère victorienne est remarquable.

Sherlock Holmes - Crime Alleys - Le premier problème de Sylvain Cordurie et Alessandro Nespolino aux éditions Soleil album 48 pages, 13,95 euros

mardi 12 mars 2013

Strummerville

Fils d’ouvriers, Bruno Clément passe sa jeunesse en Seine-et-Marne. À la fin de ses études universitaires il intègre l’administration pénitentiaire et parvient au rang de «sous-directeur de l’état- major de sécurité». À 15 ans, il avait écouté son premier album des Clash. Tombé dedans, il n’en est plus ressorti depuis 1977. Inconditionnel de Joe Strummer, le gratteur et la voix du groupe, l’annonce de sa mort, le 22 décembre 2002, l’anéantit. Joe Strummer n’était pas un homme célèbre, c’était la légende des groupes connus. Une idée viendra, née du mythe, et l’auteur se projette en roman.

Le narrateur, Patrick Thomas, est étudiant en 1976. Engagé radicalement dans son combat politique, il commet une faute et s’enfuit à Londres. Atterrissant dans un squat il y côtoie Joe Strummer et se lie d’amitié avec lui, le voilà embarqué dans l’épopée des Clash.

Revisiter de l’intérieur l’itinéraire d’un groupe en compagnie de son leader charismatique  rappelle les Évangiles. Le chemin de croix arrivera en 1982. Le héros est rattrapé par la constance policière lors d’un séjour en France. Condamné, il passera vingt ans en prison.

S’ensuit la description d’un univers carcéral tout à fait à la hauteur de sa mauvaise réputation. Une justice inhumaine exercée par des magistrats vaniteux, tandis que les condamnés sont humiliés en permanence. L’auteur, chargé des conditions de sécurité de l’ensemble du système carcéral français, connaît son sujet.

Strummerville de Bruno Clément-Petremann, Prix première impression 2012, La Tengo éditions, 334 pages, 15 euros.

vendredi 1 mars 2013

La moitié du Paradis

Natif de Houston, l’auteur, James Lee Burke, vit entre la Louisiane et le Montana, il est le créateur du mythique enquêteur Dave Robicheaux, incarné au cinéma par Tommy Lee Jones dans le film de Bertrand Tavernier Dans la brume électrique. Son premier roman, paru en 1965, vient d’être traduit en français. Revenu abîmé de la guerre du Viêtnam, cet enseignant de 29 ans devient le narrateur du sud des États-Unis. Une région chaude et moite jusqu’à l’insalubre, qui ne se relève plus depuis la guerre de Sécession.

Ce récit, c’est l’histoire de trois jeunes gens. Des Américains purs «jus de chique». Un blanc-bec prénommé Avery, propriétaire terrien déclassé et dernier d’une lignée ruinée depuis la guerre entre les États. Un bon bouseux, JP Winfield, musicien doué pour l’instrument mais dépourvu de bon sens, qui rêve de gloire sans en envisager les revers. Et Toussaint Boudreaux, le docker et boxeur noir, une proie facile pour des trafiquants en manque de pigeon pour faire diversion. Emprisonné, l’ouvrier malchanceux croisera la route d’Avery Broussard. Au bras duquel le lecteur rencontrera l’intrigante Suzanne Robicheaux. Chacun d’eux touchera une part de son paradis avant de perdre cette voie.

Un beau livre, qui flanque le cafard… Du champ de coton abandonné jusqu’au bayou, on entend vrombir les moustiques paresseux. Un monde s’éteint, noyé dans le bourbon mélangé à la bière tiède, aux sons d’un harmonica, d’une guitare et du banjo.

La moitié du Paradis de James Lee Burke aux éditions Rivages/Thriller, 301 pages, 20 euros.

vendredi 22 février 2013

Lord Baltimore

Lire le premier tome des  aventures de Lord Baltimore c’est rencontrer un homme dévoué, une sorte de Croisé qui connaît le prix de son engagement.

Les conteurs Mignola et Golden possèdent ce talent indéniable qui les autorise à reprendre tous les poncifs éculés. Pour le décor et les personnages, ils n’ont pas hésité: un village de nuit sinistrement isolé sur une île hantée, une vieille sorcière hideuse, des symboles religieux aux pouvoirs telluriques dans un monde où les vampires ont le pouvoir de nuire.

Tout cela pour démarrer une histoire au mois d’août 1916, à Villefranche, en France. Là, un zeppelin allemand flotte au-dessus de la ville. En dessous, dans la campagne, il n’y a pas que des chaumières. Dans les rues, un unijambiste, doté d’une jambe de bois, pourfend les vampires en uniformes gris. Cet homme, armé d’une épée, d’une hache et d’un harpon, éradique tous les morts vivants qui tentent de remonter dans le dirigeable. Arrive la foudre qui vient l’aider en grillant les traînards. Un peu fatigué par son œuvre salvatrice, Lord Henry Baltimore est hébergé chez la sorcière se targuant d’être à l’origine du foudroyant coup de main.

Les codes littéraires du vampire et du chasseur, initiés par Bram Stocker, sont tous là. L’ambiance glauque des planches se marie idéalement à la fin de la civilisation incarnée par la guerre de 1914-1918. Chez ces auteurs le destin s’avère implacable, la mention pour lecteur averti n’est pas superflue.

Lord Baltimore de Mike Mignola, Christopher Golden et Ben Stenbeck aux éditions Delcourt album 125 pages, 14,95 euros

vendredi 15 février 2013

Ikigami-Préavis de mort

Le tome 10 du manga Ikigami-Préavis de mort est le final d’une série culte qui fut couronnée en 2010 par un prix aux Japan Expo Awards, ainsi que par le Grand Prix de l’Imaginaire lors du festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo.

L’auteur, Motorô Mase, a inventé un monde imaginaire. Dans ce pays qui n’existe pas, tous les enfants sont vaccinés lorsqu’ils sont admis à l’école. Mais, sur décision de l’État, un vaccin sur mille contient une micro-capsule. Celle-ci explosera lorsque la jeune personne aura atteint un âge compris entre 18 et 24 ans, causant ainsi son décès.

Le fonctionnaire Fujimoto a reçu pour mission de livrer le préavis de décès dans sa circonscription. L’«ikigami» prévient de l’explosion de la capsule sous 24 heures. Depuis qu’il livre ces annonces Fujimoto en est venu à se poser des questions interdites sur cette loi appelée «Loi pour la prospérité nationale». Comme toute loi, elle repose sur les rouages d’une administration. Mais quelle est la théorie politique du régime qui est à l’origine de cette loi? L’éveil des consciences individuelles s’amplifie. Dans ce dernier opus, le personnage conducteur de tous les récits en devient l’acteur principal. Quel choix l’individu peut-il faire quand il est confronté à l’arbitraire? Au nom du bien commun combien d’erreurs sont-elles commises à l’encontre d’un seul? «Vaste programme», a répondu un grand homme.

Ikigami-Préavis de mort de Motorô Mase aux éditions Kazé,208 pages, 7,99 euros

vendredi 8 février 2013

L’assassin qui est en moi

Paru en Série noire sous le titre Le Démon dans la peau, réédité sous celui de L’Assassin qui est en moi en 2010, c’est la première traduction intégrale de ce livre. Né en 1906 d’un père shérif d’une ville de ploucs, Jim Thompson mourra scénariste et alcoolique à Hollywood en 1977. Écrivain dès son adolescence, «le grand Jim [...] s’est forcé à tout voir, tout écrire, tout publier», comme le résume si bien l’auteur Stephen King en une phrase. Son œuvre littéraire connaîtra une gloire posthume en rééditions, au bénéfice de sa veuve Alberta H. Thompson. Le public français ignore souvent que les cinéastes ont adapté avec bonheur certains de ses livres, notamment Série noire d’Alain Corneau et Coup de torchon de Bertrand Tavernier. Le propre de l’écriture de Thomson: des dialogues grandioses, alliés à une sublime empathie pour les protagonistes. Quand ils sont ravagés, on est au mieux avec eux.

Écrit à la première personne, le roman raconte l’histoire d’un policier pas encore trentenaire qui a commis son premier meurtre à dix-sept ans. Ce brave Lou Ford est un schizophrène. Son oncle et père adoptif, médecin de campagne, l’a fait stériliser. Il est mort de chagrin quand son propre fils a été assassiné. Lou ne vit plus que pour se venger. Et d’une manière horrible, une façon d’assouvir sa haine à l’encontre des responsables de la mort des deux personnes qui comptaient pour lui, sa seule famille. Affectés par son comportement, l’oncle et son fils aimaient pourtant cet orphelin étrange. En retour, ce jeune homme déviant les chérira pour toujours. Et ceux qui sont restés vont tous le payer très cher.

L’assassin qui est en moi de Jim Thompson aux éditions Rivages/Noir 270 pages, 8,65 euros



vendredi 1 février 2013

La fille de Narcisse

Craig Holden est publié depuis 1986. Auteur, conférencier, il fut, en juin 2004, l’invité du septième Festival international de Frontignan sur le thème «Intimité et roman noir». Le présent ouvrage est paru en 2005 aux États-Unis.

Bâti sous la forme autobiographique, l’histoire commence en 1979 par l’arrivée d’un jeune homme en colère devant le porche de la villa cossue de son ex-employeur. Pourtant, l’été précédent, grâce à sa bosse des maths alliée au charme d’une jeunesse éclatante, tout avait bien commencé pour lui. Des débuts virils pour un jeune homme sensible, qui sera sollicité par la femme de son riche patron. Tous ces événements n’étaient pourtant pas le fruit du hasard, il a été subtilement manipulé. Le narrateur, issu d’un milieu très modeste, pense n’avoir plus rien à perdre. Son père l’a fui dans son enfance, sa mère est morte d’un cancer à son adolescence. Cette fin prématurée a détruit son beau-père, le mécanicien amoureux devenu alcoolique. Sa jeune sœur est une beauté défigurée par un angiome facial. L’Adonis ulcéré veut se venger en utilisant la fille de ce couple de voyeurs. Cet a priori d’une force qu’il croit avoir en lui lui fait oublier sa faiblesse, celle d’un jeune naïf, prêt à tomber amoureux d’une fille toute simple mais plus dégourdie que lui.

Dommage toutefois que le récit devienne mièvre. On reste sur sa faim avec l’annonce d’une mort retardée pour une fin heureuse dans une bonne maison de la banlieue huppée.

La fille de Narcisse de Craig Holden aux éditions Rivages/Noir 305 pages, 9,15 euros.

jeudi 24 janvier 2013

Tower

Deux personnages se racontent dans ce roman policier écrit à quatre mains. Ils sont amis depuis toujours et partagent leur vie et leurs emmerdes. Leurs souvenirs sont rattachés au quartier new-yorkais de Brooklyn. L’un s’appelle Nick, il est le fils d’un ancien flic irlandais, l’autre se nomme Todd, il est issu de l’émigration juive. Quand débute le récit, ils sont arrivés à un stade critique de leur relation. Todd est devenu flic dans le dos de Nick. Il avait poussé son ami Nick à devenir l’homme de main d’un truand. La police a toujours de bonnes idées pour nettoyer la gangrène de la voyoucratie. Le badge de Todd n’est pas un bouclier, il ne protégera personne des balles. Les deux amis d’enfance vont avoir du mal à gérer cette nouvelle crise. Le lecteur est pris à contre-pied dans ce récit où des tueurs croisent des midinettes.

Chacun à leur tour, Todd et Nick livrent leurs sentiments, se retranchant derrière leur amitié. Qu’en restera-t-il à la fin?

Après une carrière d’enseignant, l’auteur irlandais Ken Bruen est devenu, pour les amateurs du genre, le maître du polar contemporain. Cet ouvrage est une première collaboration avec Reed Farrel Coleman. Que la presse anglo-saxonne a surnommé le poète du roman noir puisque, en dehors de ces écrits de style, il dirige une revue de poésie. 

Tower, Ken Bruen et Farrel Coleman aux éditions Rivages/Noir, 251 pages, 8,65 euros.

vendredi 18 janvier 2013

Un privé à la cambrousse

Ce volume regroupe les trois premières histoires de Hubert, un villageois de Beaulieu-sur-Morne. C’est la France rurale des années cinquante, début soixante. Le héros est épicier ambulant. Dans son camion en tôle ondulée, ce campagnard fouineur observe, ce qui l’amène parfois à jouer au détective dans la vallée de la Morne. Au quotidien, Hubert vit à la ferme avec son frère, une brute épaisse à vocation agricole. Les deux frères ne partagent rien. Ensemble, ils n’ont pas d’autres idées que de se pourrir mutuellement la vie. Quand Hubert en a marre de la routine, il enfourche sa mobylette rouge et sillonne les alentours. Il fait des pauses le brin d’herbe sous le nez. Pris au jeu, il s’intéresse aux autres en se racontant leurs histoires. Il surprend son entourage avec de judicieuses observations, des commentaires malins, sinon malicieux. Comme on dit là-bas, le Hubert il a le chic pour retourner le pot aux roses en pleine campagne. L’auteur est un raconteur d’histoires de petits riens, qui atteignent des proportions dignes des épopées antiques. Le trait lisse et bien charpenté, faussement naïf, s’attarde sur le détail, comme la queue d’un béret, le regard sévère du frangin d’Hubert.

Un privé à la cambrousse de Bruno Heitz aux éditions Gallimard bandes dessinées 336 pages, 21,30 euros.

mardi 8 janvier 2013

Le serment des cinq Lords

Nous sommes en 1919, en Angleterre, l’énigmatique T. E. Lawrence passe d’un bistrot de gare où il se fait voler, à un taxi où il se fait tancer. Hiver 1954, le professeur Mortimer est en conférence à Oxford où se trouvent les souvenirs légués par Lawrence d’Arabie. De son côté, le major se rend à l’enterrement d’un ancien compagnon. L’album nous fait découvrir un Blake jeune, au moment de son intégration au sein du MI5.

Blake et Mortimer d’après E.P. Jacobs: Le serment des cinq Lords de Yves Sente et André Juillard Blake et Mortimer  éditeur 64 pages, 15,25 euros.

lundi 7 janvier 2013

Les plus belles histoires de Pilote

Le premier numéro de Pilote est paru le 29 octobre 1959. Imprimé sur un grand format inhabituel, le premier exemplaire se vendra à 300 000 exemplaires.

 L’idée était de créer un hebdomadaire sur les faits de l’actualité commentés en images. Sous la direction de Goscinny et Charlier, le journal part à la découverte des jeunes talents. Ces dessinateurs et scénaristes prendront des chemins de traverse pour exprimer leur créativité. Ils sortiront les personnages de la banalité de leurs cases rigides d’histoire dessinée.

Dans ses pages, Pilote a fait apparaître les plus grands noms du neuvième art. Ce premier recueil est un best of des histoires complètes parues dans les années 1960. Une magnifique bouffée de nostalgie avec des noms comme Gotlib, Fred, Mézières, Christin, Greg, Gos-cinny, Mandryka, Bretécher, Solé, Tabary ou Godard.

Les plus belles histoires de Pilote, Collectif, Tome 1 années 1960-1969, aux éditions Dargaud, 200 pages, 22,50 euros.